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Un Psy dans la ville
Unpsydanslaville

parole

Ordre patriarcal

Le mouvement #metoo nous intéresse en tant que psychanalystes puisqu’il permet la libération de la parole des femmes concernant toutes les agressions de type sexuel ou autre type d’agressions de type sexistes.  Nous pouvons penser que ces paroles ont été accueillies dans nos cabinets auparavant, ou concomitamment, sans les rendre publiques.

Que ce passe-t-il dans nos cabinets ? Pouvons-nous penser que la cure analytique n’a pour visée pour certains qu’une meilleure adaptation au monde qui nous entoure ? En d’autres termes, permettre que les femmes en souffrance s’adaptent et acceptent la domination des hommes sans trop faire de vagues. Depuis le début de ce mouvement, on s’aperçoit que ce qui était « acceptable » ne l’est plus, du tout.

Si on lit attentivement Freud ou Lacan, il ne peut plus nous échapper que la femme est mise au rang d’objet d’échanges entre hommes, de sujet devant accepter de se soumettre à être l’objet du désir des hommes. Objet toujours. Chez Freud c’est patent. Chez Lacan, c’est plus subtil… il admet que la femme n’est pas entièrement concernée par l’ordre symbolique patriarcal mais elle y échapperait par une jouissance quasi mystique dont elle ne pourrait rien dire… et voilà le tour est joué… passez mesdames vous n’avez plus le langage pour dire.

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Tenir sa langue

« Tenir sa langue » s’entend comme une injonction à se taire : retenir sa langue dans la bouche et n’émettre aucun son. Mais tenir sa langue, dans le récit éponyme de Polina Panassenko, c’est tenir à sa langue, la soutenir, la maintenir et l’entretenir.

Prenant comme point de départ la démarche judiciaire pour retrouver son prénom russe, Polina, francisé en Pauline au moment où lui fut attribuée la nationalité française, l’auteure explore avec humour le passage d’une langue à une autre, l’apprentissage de deux langues, celle du dedans et celle du dehors, celle de l’intime et celle du social. Et cette exploration commence à hauteur d’enfant, lorsque, fillette de cinq ans, elle est « lâchée » dans la cour d’une école maternelle qui n’est pas celle de sa langue, maternelle justement. La mère s’en va, laisse l’enfant : « quand je me retourne elle a disparu.  En ce même instant tous les mots disparaissent. » Dès lors il n’y a que des sons. Polina Panassenko narre avec humour et néanmoins sensibilité son apprentissage du tissage des sons avec les mots qu’ils signifient. La puissance de ce livre tient pour une grande part à la faculté de revenir à l’expérience de l’enfant qui apprend à parler. Expérience oubliée pour la plupart d’entre nous, qui n’avons pas eu affaire à la nécessité d’un bi-linguisme, mais expérience forcément vécue car universelle.

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Mutisme

Voici presque trois mois qu’unpsydanslaville n’a publié aucun article. La fatigue évoquée en février serait-elle responsable de ce mutisme ? Nous n’en croyons rien, mais nous affecterions davantage la responsabilité de notre silence à l’espèce d’effroi qui nous a saisi collectivement à l’annonce de l’invasion de l’Ukraine par Poutine. Effroi redoublé par le risque de l’instauration d’un régime autoritaire en France si le parti d’extrême droite avait remporté l’élection présidentielle.

En attendant le verdict des urnes, dimanche 24 avril, nous avons retenu et notre souffle, et nos mots. La crainte de l’avènement d’un régime fasciste nous a mises comme en état de sidération, et dans un empêchement de penser, donc d’écrire. Car de ce qui pouvait nous arriver de grave, nous ne pouvions faire comme si de rien n’était. Et dans l’intimité de nos cabinets, nous avons partagé avec nos patients l’inquiétude, même si une part d’entre eux ne savaient rien de notre anxiété.

Le programme de l’extrême droite, dans sa volonté de « nettoyer » la France est fondé sur le déni de l’altérité, la haine de l’autre. Il est illusoire en ceci qu’il veut faire accroire que l’on pourrait ne vivre qu’entre soi, dans l’exclusivité du même que soi, sans métissage, sans alliance, sans rencontre. Programme dont les adversaires préviennent à juste titre qu’il conduirait au rétrécissement, car sans la rencontre avec l’autre, le différent, l’alter, alors la pensée s’appauvrit, la vie même s’étiole. Toute la place est faite à la pulsion de mort.

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La psychanalyse en déconfinement

Espace confiné s’il en est, voilà que le cabinet d’un psychanalyste est ouvert au public, sur les ondes télévisuelles, et que sa fréquentation rencontre un vif succès. Bien entendu, vous l’aurez déjà deviné, nous faisons référence à la série « En thérapie » diffusée actuellement sur Arte.

Alors pourquoi écrire un énième article à ce sujet qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, et parler en ville, même si les bistrots sont toujours désespérément clos. Et pourquoi n’aurions-nous pas notre mot à dire, nous saisir de ce phénomène qui rencontre à bon escient le projet même de notre blog : rendre la psychanalyse accessible au plus grand nombre, même si nous n’avons pas choisi ici la fiction pour le faire. Mais, justement la possibilité de nous adosser aux évènements sociaux qui font notre époque et notre actualité, pour rendre compte selon nous de ce que la psychanalyse permet et de ce qu’une oreille de psychanalyste est à même d’entendre.

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La vie psychique ne saurait être confinée

D’un confinement à l’autre les mobilités et immobilités s’engagent différemment. Autant la première décision de confinement nous a saisi collectivement d’un mouvement de sidération, voire d’effroi, autant cette nouvelle édition laisse de la place à la circulation, tant physique que symbolique.

Il y a là une tendance rassurante à observer non pas comme éventuel signe de velléités de désobéissance, mais davantage comme maintien de notre capacité désirante. Il en va de la nature même du désir humain, lequel ne saurait être confiné. Et même si les obligations d’enfermement contraignent tout sujet quant à l’expression et la mise en œuvre de son désir, sa vie psychique, affective, émotionnelle reste en mouvement. En son for intérieur, le sujet reste libre de ne pas céder aux injonctions.

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Le sens de la parole

Dans l’espace public et médiatique, particulièrement ces derniers mois, nous avons entendu des paroles contradictoires, des propos parfois excessifs, parfois mensongers, souvent émotifs, inconséquents et non réfléchis qui prennent le pas sur les paroles mesurées, les propos argumentés et explicatifs. On entend très fort ce qui fait du bruit, et pas forcément du sens. Ce qui se chuchote, se murmure ou se glisse dans les silences et les non-dits de la parole, devient particulièrement inaudible.

Nous avions écrit dans ce blog, il y a exactement deux ans, notre inquiétude que « l’espace public se vide d’une parole pleine adossée à une réflexion et une pensée » . Or, si on n’explique pas, si on se dispense de paroles circonstanciées et nuancées, le risque est d’entraîner pour les interlocuteurs incompréhension et anxiété. Comme le soulignait un internaute dans son fil Facebook ces dernières semaines «comprendre c’est déjà désobéir», et maintenir de l’ignorance n’est ni plus ni moins qu’une forme de contrôle.

Parler fait résistance et fait lien, c’est même ce qui fonde notre société.

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Féminin

Un jour férié de ce mois de mai, les Femen mènent une action surprise en plein cœur de Paris pour rappeler que des femmes meurent assassinées, au seul motif d’être nées femmes.

Aux lendemains de #me-too, un spectacle à la Comédie Française vient nous rappeler à juste titre une époque, celles de nos adolescences, où avorter était un crime, et qu’enfreindre cette loi était passible de peines de prison. Alors que tout laissait croire que cette époque était résolument derrière nous, voilà l’avortement de nouveau interdit par des lois machistes et rétrogrades dans plusieurs états américains ! Les combats qui libérèrent il y a à peine 50 ans les femmes du joug patriarcal, pourraient bien être de nouveau d’actualité…

La pièce de Pauline Bureau « Hors la loi », écrite à partir des minutes du procès de Bobigny, dernier procès ayant condamné en 1972 et en France des femmes pour faits d’avortement, met en scène l’intimité bafouée, la vie gâchée, de toutes ces jeunes filles, jeunes femmes, qui n’avaient d’autre choix que de se résigner à une naissance non désirée, et à subir des lois décidées par les hommes. Le droit de vote avait été accordé aux femmes seulement 17 ans auparavant, à peine une génération !

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Ce qui fait vérité

La vérité : y croit-on au nom de l’objectivité des faits, ou au nom de ses propres représentations du monde ? Car la vérité, concept impalpable, voire insaisissable, chacun s’en saisit pour lui donner sa propre définition.

L’être humain est à la recherche de preuves pour étayer sa conception de la vérité, et se rassembler avec ses semblables autour de visions, de pensées, de façons d’être, communes. L’imprécision, l’ignorance, le flou, nous inquiètent : nous les combattons et bien souvent, nous nous opposons au nom de vérités subjectives. La science nous permettrait de nous accorder autour de vérités objectives, cependant ces vérités-là, démontrées par la science, sont parfois mises en doute.

L’observation, que ce soit à partir de l’expérimentation, ou de la situation in vivo, est la méthode scientifique par excellence.

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La « magie lente »

Cette magie lente[1] est une pièce de théâtre de Denis Lachaud, et son titre aurait été inspiré à l’auteur par une phrase de Freud « la psychanalyse est une magie lente ». De psychanalyse, il est en effet question pendant l’heure et quelques minutes que dure le spectacle, et dans cet intervalle qui ne contiendrait au mieux que deux séances se déroule en accéléré l’essentiel d’une cure.

Au festival d’Avignon, dans la touffeur de juillet, la pièce faisait salle comble et l’on se demande ce qui a poussé le public à venir entendre les mots crus, la violence d’un propos hors norme, un texte sans concession. Est-ce la fascination qu’exerce encore la psychanalyse, ou bien l’actualité intemporelle d’une histoire de viol d’enfant, ou encore la performance d’un comédien[2] qui semble à chaque minute jouer sa propre peau ? Sans doute tout cela à la fois.

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Mots

Lors d’un récent entretien télévisé, réunissant journalistes et homme politique, nous avons pu entendre des mots claquant comme des coups de poings, des phrases fusant comme des flèches : voilà en matière de parole, ou de discussion, ce qui tend à envahir la scène verbale publique. De débat, ces joutes oratoires n’ont plus que le nom, au profit de l’hégémonie d’un discours lapidaire, d’un parler fort, dans lequel il s’agit avant tout de donner de la voix, de gagner la bataille du bruit et d’avoir le dernier mot.

Débat – Théatre de l’Odéon – Mai 1968

Si encore il était question de bons mots, ou de mots d’esprits… mais non, de ces mots irrévérencieux, de ces mots creux, l’humour est trop souvent absent et ces batailles de mots se teintent d’une noirceur mortifère.

Le parler creux de certaines personnes publiques et médiatiques va de pair avec l’appauvrissement de la langue que nous avons déjà évoqué ici (Penser, Dire, Ecrire-Février 2017). Ces adeptes du slogan, du mot facile, ne prennent plus en considération leurs interlocuteurs qu’ils abrutissent en leur assénant des discours vides de sens. Les jugeraient-ils incapables de déchiffrer une idée ou de comprendre une problématique pour se dispenser ainsi de discours construits et élaborés ?

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