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Un Psy dans la ville
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Ordre patriarcal

Le mouvement #metoo nous intéresse en tant que psychanalystes puisqu’il permet la libération de la parole des femmes concernant toutes les agressions de type sexuel ou autre type d’agressions de type sexistes.  Nous pouvons penser que ces paroles ont été accueillies dans nos cabinets auparavant, ou concomitamment, sans les rendre publiques.

Que ce passe-t-il dans nos cabinets ? Pouvons-nous penser que la cure analytique n’a pour visée pour certains qu’une meilleure adaptation au monde qui nous entoure ? En d’autres termes, permettre que les femmes en souffrance s’adaptent et acceptent la domination des hommes sans trop faire de vagues. Depuis le début de ce mouvement, on s’aperçoit que ce qui était « acceptable » ne l’est plus, du tout.

Si on lit attentivement Freud ou Lacan, il ne peut plus nous échapper que la femme est mise au rang d’objet d’échanges entre hommes, de sujet devant accepter de se soumettre à être l’objet du désir des hommes. Objet toujours. Chez Freud c’est patent. Chez Lacan, c’est plus subtil… il admet que la femme n’est pas entièrement concernée par l’ordre symbolique patriarcal mais elle y échapperait par une jouissance quasi mystique dont elle ne pourrait rien dire… et voilà le tour est joué… passez mesdames vous n’avez plus le langage pour dire.

C’est donc avancer que le langage est un ordre symbolique masculin, et plus précisément patriarcal, fondé sur le Père, le Nom du Père. On rétorquera que tout cela est symbolique, que le père est une fonction indépendamment de  la personne du père. Oui oui bien sûr. Il n’en est pas moins vrai que le signifiant utilisé est le père et non la mère ou la femme, ou juste une fonction neutre sans référence au système patriarcal.

Tout ce qu’avance Freud ou Lacan se justifie, est parfaitement opérationnel dans notre civilisation multi séculaire patriarcale. Ces théories psychanalytiques sont tout à fait efficientes au sein de celle-ci et permettent une meilleure compréhension des troubles psychiques qu’elle engendre pour les hommes comme pour les femmes. Car finalement, les civilisations humaines patriarcales font souffrir les individus, comme Freud l’a bien noté dans « malaise dans civilisation ». Toute civilisation demande aux individus qui la composent de renoncer à leurs pulsions, sexuelles ou agressives.

Tout le long de « malaise dans la civilisation » Freud pense « hommes » et beaucoup moins « femmes ». Ce sont les hommes qui doivent réfréner leurs pulsions sexuelles. Les femmes, elles, sont montrées comme passives, attendant « leur prince charmant » ? Que dire des pulsions sexuelles des femmes alors ? Elles y renoncent naturellement, elles sont orientées par l’ordre « naturel » ? Elles n’ont d’autre but que la procréation ?

Près de 100 ans après la publication de « malaise dans la civilisation », le « malaise » d’aujourd’hui présente de nouveaux symptômes. Ces symptômes montrent que notre civilisation s’interroge encore et toujours sur la différence des sexes. Ils montrent également une tentative des femmes de « jouer collectif ». Effectivement si les femmes se regroupent, deviennent solidaires, sortent de l’injonction qui leur est faite d’être du côté de l’exception (chez Lacan notamment) alors peut être pourront-elles être entendues ? Car au fond, c’est la parole au dehors de leur foyer, du cabinet du psy, de la famille qui leur est confisquée. La nécessité que certaines ressentent de parler, de s’exprimer publiquement, permet souvent aux hommes de se défendre par un « elles sont folles »

Mais pourquoi avoir peur de ce que peuvent avancer les femmes ? Elles ne veulent pas prendre le pouvoir sur les hommes mais avancer côte à côte sans avoir peur, justement. Car la peur est aujourd’hui et depuis toujours du côté des femmes, peur d’être agressées soit de manière feutrée par des allusions, soit très directement et violemment. Doit-on encore rappeler que le corps des femmes n’appartient pas aux hommes ? Doit-on rappeler que le viol est un crime ? Que le corps de la femme n’est pas à disposition ?

Ces avancées dans la libération de la parole des femmes, dans la libération du corps des femmes, ne vont pas sans une grande résistance, tant des femmes que des hommes, et en particulier de la génération des 15/25 ans. Celle-ci espère le retour d’une société rétrograde avec des stéréotypes de genre qui se renforcent, une violence sexuelle et sexiste qui perdure, alimentée par les réseaux sociaux.

Rien n’est acquis… jamais…

Béatrice Dulck

féminin, parole

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