Ce qui fait vérité
La vérité : y croit-on au nom de l’objectivité des faits, ou au nom de ses propres représentations du monde ? Car la vérité, concept impalpable, voire insaisissable, chacun s’en saisit pour lui donner sa propre définition.
L’être humain est à la recherche de preuves pour étayer sa conception de la vérité, et se rassembler avec ses semblables autour de visions, de pensées, de façons d’être, communes. L’imprécision, l’ignorance, le flou, nous inquiètent : nous les combattons et bien souvent, nous nous opposons au nom de vérités subjectives. La science nous permettrait de nous accorder autour de vérités objectives, cependant ces vérités-là, démontrées par la science, sont parfois mises en doute.
L’observation, que ce soit à partir de l’expérimentation, ou de la situation in vivo, est la méthode scientifique par excellence. Les progrès technologiques ont de fortes incidences sur cette méthode, en particulier sur les possibilités d’observation des comportements humains. Le développement des outils de collecte des informations a fait augmenter de manière considérable la capacité de recueil de données sur tout ce que nous faisons. Les ordinateurs, avec l’intelligence artificielle, et la construction d’algorithmes, en arrivent à propager l’idée d’un savoir exhaustif sur les humains, et à nous imposer leur «vérité ». Ils prévoient l’avenir, ils prévoient ce que désirent les gens, les comportements dont sont capables les gens. La collecte de milliards de données alimente la représentation d’une exhaustivité de ces données, ainsi que l’illusion d’un savoir prédictif sur l’avenir. Parce que l’on aime tel produit, parce que l’on fréquente tel lieu, que l’on défend telle idée, alors on consommera ceci, on ira ici, on fera cela …
Quelque chose de transcendant nous guiderait, saurait pour nous : si c’est l’algorithme de l’ordinateur qui le dit alors c’est vrai. Et le système se détraque : il n’est pas possible, même au nom de la possession de milliards de données sur une chose, une attitude ou un comportement, de dire que cette chose, cette attitude ou ce comportement, est une vérité objective. Où sont les « vrais » gens dans tout cela, ceux qui parlent, qui pensent et qui désirent ?
On ne peut pas mettre l’esprit humain, et surtout le désir humain, en algorithme !
Le développement, voire l’invasion, de ces programmes qui sauraient à notre place, fait courir le risque de faire disparaitre la vérité subjective.
Heureusement les actes de résistance contre tout ce qui dicte notre comportement se multiplient, et rappellent que l’ordinateur n’est qu’une machine programmée un jour par des hommes. Ni les programmateurs ni la machine ne savent à la place de l’autre, ni mieux que l’autre, ce qu’il aime et ce qu’il pense.
La parole est une résistance. Le temps également. Le temps de penser, de s’interroger sur ce que l’on souhaite vraiment, sur ce qui est vrai pour soi. Car n’oublions pas que la vérité est surtout subjective.
CARPENTIER
Bravo ! Nous pourrions même ajouter : Combien de temps faudra-t-il pour nous apercevoir que ce système informatique a ses propres limites ? Merci pour ce partage. Cordialement. Martine Carpentier.