Un Psy dans la ville
Unpsydanslaville

Culture

Tout ce qui, en matière de culture, littérature, théâtre, cinéma et d’autres sources encore, nourrit notre pensée.

Penser, Dire, Ecrire.

Pour qu’un texte soit lu, il se doit d’être lisible, cela les auteurs le savent. Dans un blog «joyeusement propulsé par wordpress» -pour pasticher la formule consacrée- un article doit répondre à des critères de lisibilité ; et ces critères sont fixés par les algorithmes du logiciel et du réseau. La lisibilité n’est plus seulement une affaire d’écriture et d’auteur, mais une affaire de marketing, de business et de lois informatiques.

penser
Rodin, le penseur – Musée Rodin

Ce diktat de l’un des géants de l’internet nous interroge : nos écrits, nos textes, devraient donc être conçus dans une logique de consommation au même titre qu’une machine à laver, une croisière sous les tropiques ou un placement bancaire ! Ils devraient être écrits selon une langue calibrée et formatée, une langue qui uniformise et qui perd ses nuances.

Déjà le plus grand de l’internet impose sa langue, à partir d’un anglais réduit à un nombre compté de mots, d’expressions et de formules, duquel nuances et subtilités sont exclues, une langue qui serait universellement comprise.

Lire la suite

Le « mariage scientifique »

Une des dernières trouvailles de la télé-réalité est de faire appel aux sciences humaines pour valider le choix amoureux. Il s’agit de marier des personnes qui ne se connaissent pas : leur rencontre n’aura lieu que le jour du mariage ! UnknownLes présentateurs de l’émission nous assurent de l’heureux résultat de ces mariages et de l’infaillibilité du procédé : en effet la sélection des futurs époux se fera de façon « scientifique ».

Soit, d’une part, une centaine de jeunes gens, hommes et femmes, tentés par les sirènes scintillantes d’une chaine commerciale qui leur promettent de rencontrer « scientifiquement » l’âme sœur ; d’autre part trois « scientifiques » (psychologue, sexologue, sociologue) qui vont déterminer les affinités électives entre quelques heureux élus.

Lire la suite

Cécités

La singularité du film de Gianfranco Rosi, « Fuocoammare, par-delà Lampedusa », consiste en sa dichotomie entre d’une part la vie quotidienne de Samuele, un garçon de douze ans habitant de Lampedusa, et d’autre part le sort des migrants repêchés au large de l’île dans une situation d’extrême urgence.

cécités
Clair de lune – 2016 © MPSD

Tandis que Samuele vit sa vie d’enfant, avec une nette prédilection pour les jeux terrestres, les migrants affluent. Nous est donné à voir jusqu’à l’intolérable : la cale d’une embarcation de fortune remplie de quarante cadavres, véritable charnier flottant. Nous sont donnés à entendre les récits des survivants qui décrivent un voyage jusqu’au bout de la souffrance. On assiste à leur dévastation, ainsi qu’à celle du médecin contraint dans l’exercice de ses fonctions d’aller récupérer les morts, voire de découper des morceaux de corps – « parce que c’est utile, alors il faut le faire, même si c’est une ultime marque d’irrespect. »

A l’opposé de ces destins tragiques, la vie ordinaire de Samuele. Jusqu’au jour où ce dernier est diagnostiqué amblyope : il a un œil paresseux, ce qui

Lire la suite

Avec le Temps …

En préambule, dès le titre, un bref extrait de la chanson de Léo Ferré, Avec le Temps, donne le tempo du dernier livre de Catherine Cusset : « L’autre qu’on adorait » est le récit d’un suicide annoncé. Un tel sujet pourrait rebuter. Il n’en est rien, le texte ne paraît écrit que pour témoigner de la vie et de la mort prématurée de son personnage.

Solitude - Photo Devillard
Solitude – Photo Devillard

Thomas, l’ami adoré de la narratrice et de quelques autres, est un garçon doué, drôle, charmant. Il a tout pour « réussir », comme « réussissent » autour de lui et au fil du temps ses amis de jeunesse : succès professionnels, amoureux, sociaux… Pour Thomas, très vite ça cloche, même s’il déploie une énergie sans pareille pour se maintenir dans le sillage, pour que ses talents ne soient pas recouverts par les défaites qui s’invitent malgré tous ses efforts.

Que se passe-t-il pour que cela tourne aussi mal pour Thomas ? Pourquoi ce jeune homme débordant de vitalité, intelligent, aimé et estimé, en arrive-t-il à se suicider à quarante ans ?

La réponse n’est pas littéraire ; l’écriture n’est là que

Lire la suite

Freud en son divan

Pour voir le célèbre sofa recouvert d’indiennes et de cachemires, le voyage à Londres sera nécessaire. L’on s’acheminera patiemment vers le très chic quartier de Hampstead. Après avoir emprunté deux ou trois lignes de bus, juché sur l’impériale comme il se doit pour un touriste, notre patience sera récompensée : loin du centre ville bruyant, les demeures en briques rouges, leurs jardins verdoyants, l’aisance tranquille de leurs habitants, nous enchanteront.

Divan de Freud
Photo MPSD

La maison où Freud vint mourir, n’a rien à envier à ses voisines : pelouse grasse, rosiers généreux, hydrangeas florissants. Comme si nous étions le voisin, ou le facteur, ou un vieux patient, nous sonnons. Le bonhomme qui nous ouvre, n’a rien d’un descendant des disciples de Freud, ni d’un psychanalyste, juste un vieux gardien revêche. Malgré notre anglais de base, certes not fluent, mais ayant fait ses preuves dans d’autres musées britanniques, nous ne nous comprenons pas. Aussi, en l’absence de mode d’emploi de ladite maison, nous nous surprenons à en entreprendre la visite sans passer par la case billetterie…

Lire la suite

Vivre en poésie en attendant Bojangles

coquelicot-1

Vivre avec la poésie, c’est s’émouvoir d’un paysage, de l’éclosion d’une fleur, d’un chant d’oiseau, d’un souffle de vent, de la course d’un ruisseau, du rire d’un enfant ; Dire, Écrire, penser, mettre délicatement ou rageusement en mots ces surgissements du quotidien. Les mots ont cette fonction d’approcher au plus près le subtil, l’insaisissable de l’instant, d’arrêter une sensation. Avec les mots, nous nous approchons de quelque chose qui tout en même temps nous échappe à l’instant même ; parce que le mot fige la sensation. Mettre en mots le vécu, le ressenti, c’est aussi irrémédiablement y mettre une distance, l’appauvrir en le définissant, et laisser s’échapper ce que la poésie a d’insaisissable.

Car la poésie n’est qu’œuvre de mots.

Lire la suite

Mémoire de fille

Dans une cure, le récit de l’analysant vient dire ce que ce dernier a été un jour, enfant, adolescent, jeune adulte… La parole au présent nomme le passé non pour le faire revivre, mais pour se défaire de liens qui emprisonnent et confinent le narrateur dans sa nostalgie. Lorsque l’écrivain fait usage de l’écriture pour revenir sur un passé qui éclaire le présent, sa démarche interpelle le psychanalyste par ses similitudes.

Mémoire de fille
Collection personnelle – MPSD

En littérature, les souvenirs donnent souvent matière à un écrit romanesque. Dans le dernier livre de Annie Ernaux, « Mémoire de fille », ce passé semble convoqué comme prétexte.

L’auteur nous livre une œuvre construite autour de son histoire personnelle, mais qui ne saurait être une simple œuvre auto-biographique. Dans tous ses livres, l’histoire singulière rencontre une histoire collective, dans laquelle les mémoires s’enchevêtrent. Dans le dernier, il est aussi question de la temporalité.

Lire la suite

Alouettes

Qui cherche à regarder son profil se heurte à un problème certain : à moins de monter un  astucieux agencement de miroirs se reflétant les uns les autres, ou de faire preuve d’une grande souplesse cervicale, de se tordre le cou !, notre anatomie nous contraint à ne jamais nous voir de profil. Nos profils anatomiques sont absents de nos miroirs.

Annette Messager, Le miroir aux alouettes, 2010. ©photo : Marc Domage © ADAGP Paris 2012
Annette Messager, Le miroir aux alouettes, 2010.
©photo : Marc Domage © ADAGP Paris 2012

Notre profil droit mais aussi le gauche nous demeurent flous, incertains, peu connus ; de même que notre corps dans l’espace, dans son volume, sa profondeur. Nos miroirs nous contraignent à nous voir en deux dimensions, laissant à la seule connaissance de l’autre des parts de nous, nos zones d’ombres, des angles morts qui nous échappent.

Mais Internet et les réseaux sociaux nous permettent de défier les lois de la nature

Lire la suite

Scène de ménage

La lutte entre un homme et une femme, époux et épouse, tel est le thème de la pièce de Strindberg « Père » écrite en 1887.

scène de ménage
Mariés du Palais Royal – Photo MPSD

Lorsque l’action se déroule, l’amour a été, mais n’est plus, la relation est déjà installée du côté de la haine.  Et le couple est devenu le lieu d’une guerre, à coups de mots comme des coups de couteaux qui pourraient tuer l’autre. Le lien de haine est aussi puissant que le lien d’amour ; s’en délivrer est l’enjeu de ce combat des cerveaux.

Le texte, déployé dans l’espace du théâtre, porté par le choix d’un décor, d’une interprétation, d’une mise en scène, sera plus ou moins entendu dans sa dimension dramatique.

Lire la suite

Silence !

La famille est un système dans lequel chacun des parents mais aussi chaque frère et sœur s’inscrit malgré soi, au nom du sang, dans cette appartenance qui nous transcende. Y a-t-il autre chose que l’être humain ne peut choisir que ses parents, sa famille ?  Chaque être nait où il nait, c’est-à-dire toujours au cœur d’un système plus ou moins bien organisé, plus ou moins bien équilibré.  Plus ou moins équilibrant, aussi, selon qui il est.

Ce système préexiste en partie à chaque naissance, mais se construit aussi au cours de l’histoire de chacun et de tous, des joies, des drames et de ce qui en est dit ou pas : une famille a ses anecdotes, ses histoires, ses façons de parler, ses mots et expressions fétiches. images 3Ainsi, le système familial tient par des mots (ceux que l’on dit et ceux que l’on ne dit pas), un lexique et une grammaire propres: une langue. Cette « langue de famille » ordonne les relations des membres entre eux en même temps qu’elle cimente le groupe de ceux qui la composent et lui donne une cohésion. Pour certains, elle est la seule langue qu’ils ne connaitront jamais. D’autres parviennent à en apprendre une autre, tout en se détachant de la première, ce qui peut être un des enjeux d’une psychanalyse.

Dans le roman « Rien ne s’oppose à la nuit », Delphine De Vigan déploie la vie de la mère de l’héroïne, morte par suicide après soixante-deux ans d’une vie instable.

Lire la suite