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Un Psy dans la ville
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Le consentement

Dans notre précédent article nous nous interrogions sur des relations entre mères et filles  dans le sillage du mouvement de « libération sexuelle » des années 1970. De cette interrogation, il nous apparaissait que la sexualité est restée prise dans un discours et une forme de domination masculines. Le dernier livre de la psychanalyste Clotilde Leguil « Céder n’est pas consentir »[1] nous accompagne plus avant dans l’exploration de cette question.

Ce n’est que récemment, grâce en partie au phénomène #meetoo, que la place des femmes dans la société est de nouveau interrogée en profondeur.

Avant ce qu’il est convenu d’appeler «la libération sexuelle», les femmes étaient assignées à une place majoritairement maternante et domestique, confinées à la maison. Elles ont acquis le droit fondamental de vivre et travailler comme elles l’entendent, du fait en partie de ce progrès incontestable que constitue la maitrise de la procréation. Pour autant, être à même de décider du moment de la grossesse va-t-il de pair avec un consentement « éclairé » à tous les rapports sexuels ?

Et si la contraception avait eu pour effet la libération de la sexualité des hommes, davantage que celle des femmes ? Longtemps les hommes se devaient, sous la pression sociale et morale, d’épouser les femmes qu’ils avaient mises enceintes, ou s’abstenir, pour éviter ce risque justement. Avec le contrôle des naissances, les voilà déchargés de cette obligation. Mais n’avons-nous pas confondu maitrise de la contraception, et donc des naissances, avec libération de la sexualité, ou plutôt libération des relations sexuelles ? Là où la morale sociétale posait des freins et des interdits, un vent de permissivité s’est levé.

Tout le discours qui émerge à la suite de ces mobilisations et avancées sociales, va induire une autre pression : parce qu’il n’y a plus de risque de grossesse non désirée, alors toute relation sexuelle devient possible. Au cœur de cette équation, vient donc se nicher la question du consentement. Si les femmes se sont affranchies de nombre de contraintes sociales, et biologiques, ne se sont-elles pas trouvées dans « l’obligation » de consentir largement aux relations sexuelles, parce que la sexualité serait devenue un peu comme un droit inaliénable. Cela ne se refuse pas ! On passerait pour une sainte-nitouche si on s’y refusait…

La peur d’une grossesse non désirée pouvait faire limite, retenir l’élan amoureux. A cet égard la question du consentement n’avait peut-être même pas le temps d’être posée, la pression sociale, la morale, dictaient le refus d’une relation sexuelle. Avec l’arrivée de la contraception, cette possibilité offerte de « jouissance sans entrave » rebat les cartes et oblige les femmes à se demander ce qu’elles désirent. C’est sans doute ce qui se passe aujourd’hui et cela passe par se demander si le désir est là, même lorsqu’il y a consentement. Car dans le consentement aux avances d’un autre, le plus souvent celles d’un homme pour une femme, il n’y a pas toujours désir pour l’autre. Cette demande-là, on peut aussi y consentir sans désir, par l’effet d’une aliénation qui empêche de résister au désir, non pas le sien propre, mais celui de l’autre. Peut-être va-t-on répondre à ce que l’autre attend de nous, au nom de quelque chose qui se situe ailleurs, qui nous appartient malgré nous, qui fait pression sur nous, qui ne nous permet pas d’interroger notre propre désir.

Clotilde Leguil dit avoir écrit ce livre dans la foulée de la publication du «Consentement» de Vanessa Springora. Elle y fait part du cheminement de sa réflexion autour de ces questions : « qu’est-ce que céder ? », « qu’est-ce que consentir ? », quelles frontières entre les deux ? Elle nous rappelle que Vanessa Springora, dans l’après-coup de la relation amoureuse de son adolescence, s’interroge sur ce à quoi elle a consenti, dont elle mesure, devenue adulte, la dimension abusive et traumatique. En effet la jeune fille était partie prenante de la relation, mais au nom de quoi ?

Les réponses à ce à quoi on cède, à ce à quoi on consent, sont étroitement emmêlées dans l’histoire et l’intimité de chacun et chacune. La publication de certains récits, les prises de parole sous de multiples formes, ouvrent la voie à une possibilité de reprendre la main sur son propre désir, de le questionner, d’en faire le point d’appui de nos actes.

Béatrice Dulck et Marie-pierre Sicard Devillard

 

 

[1] Clotilde Leguil – Céder n’est pas consentir – PUF – 2021

 

consentement, Désir, sexualité

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