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Un Psy dans la ville
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Sentiment religieux et féminin

Après les attentats de 2015, après la période de sidération qui a suivi, puis le temps des interrogations, des recherches, des publications, sont venues des interrogations sur l’amont du phénomène de la «radicalisation». Que recouvrait cette appellation généralisatrice de « jeunes radicalisés », ou plutôt, dans cette catégorie politiquement pratique, qui étaient ces jeunes au singulier.

Pourquoi certains adolescents, nés dans des familles non musulmanes, se convertissaient à l’Islam puis ensuite, parfois rapidement, quittaient le territoire et s’envolaient pour Istanbul et ensuite prenaient la route vers la Syrie.

Au travers du phénomène de conversion à une religion peut-on se demander quelle importance subjective va prendre une conversion, quelle trace l’expérience du sentiment religieux laisse-t-elle dans la « radicalisation » ? Il y aurait dans la rencontre avec le sentiment religieux et la conversion qui lui fait suite, à la fois énigme et question.
A partir d’entretiens avec des mères concernées par le départ d’un de leurs enfants pour le djihad, une recherche universitaire a vu le jour. Elle s’appuie sur les récits de ces mères, récits de ruptures dans la filiation et l’affiliation par la conversion religieuse puis le départ pour le djihad. Ces ruptures révèlent de véritables fantasmes matricides inconscients.

Dès lors l’hypothèse de travail se resserre, autour de l’adolescence, temps de (re)découverte de la bipolarité sexuelle, et donc dans nos sociétés patriarcales, de celle du féminin. Puis, en faisant référence à Lacan et aussi à Winnicott et Jung, quels liens peut-on supposer entre le « féminin » et l’expérience religieuse ?

Lors du processus adolescent, la rencontre avec le féminin est fondatrice, centrale pour le devenir du jeune adulte. L’équivalence entre féminin et expérience du sentiment religieux se pose à partir des éléments recueillis en entretien. Mais cette rencontre est inquiétante, ce qui peut conduire à un évitement autant par les garçons que par les filles. Et pour échapper à cette angoisse, angoisse dans le contexte d’un environnement non soutenant à la fois du féminin et du sentiment religieux, ces jeunes adolescents se réfugient dans une vision du monde archaïque que leur propose l’idéologie totalitaire de Daesh. Féminin et sentiment religieux seront refoulés, voire demeureront clivés au sein de l’appareil psychique.

En effet, si, avant leurs enfants, les parents eux-mêmes n’ont pas résolu la question du féminin, ils se trouvent dans l’impossibilité de reconnaître dans l’expérience religieuse de leur enfant une stase du processus adolescent en lien avec le féminin. Ils seraient passé à côté, malgré eux, de cette phase fondamentale pour la vie adulte humaine. La non reconnaissance de la conversion religieuse comme révélatrice d’un empêchement  du processus adolescent en lien avec le féminin,  concourt à son refoulement et à sa transformation par régression à l’adhésion à un discours archaïque et rassurant concernant la différence des sexes. C’est-à-dire, le discours d’embrigadement et de persuasion de Daech, autorité qui a tout du fonctionnement d’une secte, dont celui de brandir les oripeaux de la toute-puissance et de l’illusion d’une religion pour résoudre toutes les angoisses qui se présentent à la personne humaine.

Cette hypothèse originale, pas, ou peu, explorée, dans la multitude des recherches que les actes de terrorisme islamiste ont provoquées, a permis à Beatrice Dulck de soutenir, à l’Université Paris Sorbonne Nord, une thèse de doctorat en psychologie clinique : Le Djihad d’adolescents non musulmans convertis, raconté par leurs mères : du féminin des origines aux fantasmes matricides.

Beatrice Dulck et Marie-pierre Sicard Devillard

adolescence, féminin, psychanalyse

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