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Un Psy dans la ville
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Mâle et femelle

« C’est un garçon ! », « c’est une fille ! », ainsi s’expriment les humains à la naissance d’un des leurs, sitôt désigné selon le repérage anatomique qui est fait de son sexe : mâle ou femelle.

Pourrait-on échapper à cette réalité anatomique ? biologiquement non, car les caractères génétiques associés à la caractéristique sexuelle ne peuvent être modifiés : le sexe mâle est porteur des chromosomes XY et le sexe femelle, des XX. Quels que soient les aménagements futurs, un test ADN déterminera, en aveugle et de façon inchangée, l’appartenance à la catégorie biologiquement déterminée.

Pour autant, un être humain de sexe mâle va-t-il impérativement vivre comme un garçon, puis un homme, et un être humain de sexe femelle, comme une fille, puis une femme ?  Autrement dit le genre, féminin, ou masculin, est-il surdéterminé par la caractéristique anatomique ? Cette question ne peut être élaborée sans le recours à deux niveaux distincts : celui de l’anatomie, l’objectif, celui du psychisme, le subjectif, car ces deux niveaux déterminent le masculin et le féminin. Mais, si l’un, l’anatomie est une condition déterminante imparable (l’ADN d’un individu ne sera jamais modifié), l’autre, le psychique, est foncièrement labile et singulier à chaque sujet. Ce qui fait dire à la psychanalyse que tout être humain bricole pour résoudre à sa manière son rapport interne et intime au féminin et au masculin.

Freud a pu dire et écrire, dès 1905, que l’être humain est foncièrement bisexuel, c’est-à-dire qu’il porte en lui, dans sa dimension psychique et subjective, les deux dimensions de la sexualité humaine et qu’il va avoir à faire, tout au long de sa vie, avec ces deux pôles de sa sexualité. Il va composer, se sentir davantage féminin, ou davantage masculin, indépendamment du sexe biologique qui est le sien, car la sexualité humaine est une construction permanente qui dépend de facteurs endogènes et exogènes : il faut faire avec le contexte, la famille, la classe sociale, la culture… Il ne peut s’agir d’un choix volontaire, ou volontariste, d’avoir ou ne pas avoir tel sexe, de vouloir l’autre, ou de n’en pas vouloir du tout, mais d’une interrogation quasi permanente, en tous cas qui peut être remise en jeu à différents moments d’une vie. Et cette interrogation n’échappe pas aux effets de notre civilisation, échafaudée sur une séparation radicale des deux sexes.

L’opprobre sur les pratiques bisexuelles, homosexuelles, transexuelles,  prend toute sa dimension répressive au cœur du XIX° siècle, en même temps que l’avènement du pouvoir médical. Pénis d’un côté, vagin de l’autre, toute sexualité doit être génitale et aucune autre pratique n’a droit de cité dans la société. Puis, les mouvements de contestation des années 1960 et 1970, avec des penseurs comme Foucault, Lacan, Deleuze, Barthes, introduisent un dissensus face à cette uniformisation de la pensée, une position qui refuse la différence sexuelle comme organisatrice de nos vies, ils font de la place à de l’inventivité.

Cependant, alors que nous nous voudrions dans un espace et un temps apaisés sur les questions de sexualité, le conflit est toujours présent, la différence sexuelle suscite des violences et de l’intolérance plus ou moins marquées selon les régions du monde : la question qui se pose à chaque humain quant à son identité sexuée est, et demeurera, toujours présente, non sans s’accompagner d’angoisse et de conflictualité psychique. L’augmentation actuelle de demandes de changement de sexe dit quelque chose de notre civilisation contemporaine : non pas la mort du Père, comme certains veulent en voir la trace dans toutes manifestations contemporaines, mais le signe d’une nouvelle « folie » techno-scientiste qui voudrait nier la mort et le sexe au nom d’une toute-puissance infantile non dépassée…

Il y a dans les deux mouvements « radicaux » de ce début du XXIème siècle, radicalisation religieuse et phénomène « trans », un même phénomène qui rappelle les grandes manifestations mystiques, phénomène qui, comme l’a souligné Lacan, a à voir avec un féminin qui ne cesse de ne pas pouvoir se dire…

Béatrice Dulck et Marie-pierre Sicard Devillard

féminin, masculin

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