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Un Psy dans la ville
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Les bienfaits du chaos

L’air du temps n’est pas à l’apologie du chaos. La proximité d’événements que l’on

les bienfaits du chaos
les bienfaits du chaos

pourrait qualifier de chaotiques n’incite pas à en décrire les bienfaits. Néanmoins, si nous voulions prendre un peu de recul, nous pourrions voir dans l’injonction faite de maîtrise (de soi-même, des autres, de la nature) une cause des déchaînements chaotiques de notre monde.

Mais avant cela, revenons à nous-mêmes.

Il ne s’agit pas ici d’inciter au chaos, à la démesure, à la violence mais bien plutôt de tenter d’en comprendre une origine inconsciente. Nous pourrions voir dans l’idée du chaos une proximité avec l’état de notre inconscient : pulsionnel, débridé, amoral, insensé. Notre civilisation occidentale et particulièrement française est imprégnée de cartésianisme : nous gardons foi dans la Raison et dans la volonté de « devenir maître et possesseur de la nature. » Cependant, bien qu’étant des êtres de raison, nous sommes également des êtres déraisonnables et irrationnels. A vouloir tout maîtriser de nous-mêmes, nous renvoyons au fond de notre esprit ce qui nous dérange. En un mot : nous procédons à un refoulement.

Le refoulement est parfois bénéfique, parfois vital…mais il refait surface toujours : de manière chaotique, impulsive parfois.

Voyons de plus près ce mécanisme : une idée, une image, un souvenir, me dérange désagréablement ou agréablement parfois…mais cela gêne mon être de raison. L’esprit va alors l’oublier, le stocker, le ranger dans les profondeurs du cerveau et les connections neuronales seront désactivées.

L’idée gênante, la représentation gênante, peuvent être en contradiction absolue avec les injonctions de la morale, morale personnelle ou morale collective. Une des injonctions très présente dans notre société contemporaine est la maîtrise, de soi, des événements. Nous détestons l’inattendu, l’imprévisible. Ces injonctions de maîtrise constituent un des fonds de l’instance interne chargée de juger nos actions et génère un sentiment de culpabilité non conscient.

Il n’est pas admissible pour soi-même d’être anxieux, triste, désemparé, choqué. Les idées, les représentations gênantes sont refoulées alors qu’elles sont les raisons de nos états d’âmes. Ce refoulement crée de l’angoisse. Il est toujours possible de tenter de se croire fort, infaillible, d’humeur égale ou sans humeur du tout. Mais en fait, cela n’est pas possible. Nous avons à faire avec. Avec notre condition humaine qui est d’être soumis en permanence à des fluctuations de notre sentiment d’existence.

Nous sommes des êtres profondément chaotiques qui tentent de trouver la raison et la cohérence. Nous ne pouvons pas refouler des éléments chaotiques sans risquer un déferlement pulsionnel désarrimé de ses propres causes. Le chaos de notre esprit doit être connu et reconnu pour éviter un chaos qui s’exprimerait sans retenue. Il ne peut être indéfiniment refoulé, interdit de cité.

Une des pistes pour connaître et apprivoiser ce chaos est la mise en récit de celui-ci. Cette mise en récit doit s’effectuer en présence d’un autre à qui l’on reconnaît d’avoir déjà traversé cette expérience. Pour d’autres, l’Art est source d’expression positive et cathartique. C’est une sorte de voyage initiatique.

Du chaos qui revient de son refoulement premier, apprivoisé, du chaos qui s’éclaire, du chaos mis en sens nous pouvons faire quelque chose. Le chaos qui travaille à bas bruit dans l’inconscient risque à tout moment de ressurgir ; violent ; sans sens. Du chaos apprivoisé il résulte souvent des idées neuves, des vies nouvelles. Ne craignons pas notre chaos intérieur ; il est source de nouveautés pour peu que l’on y prête attention. A le refouler nous prenons le risque qu’il ne s’exprime bruyamment à l’extérieur ; il nous faudra alors nous méfier davantage de ce chaos là car, bien qu’il soit au bout du compte source de nouveautés, il est source de grandes souffrances collectives et individuelles.

Béatrice Dulck

inconscient, psychanalyse, récit, refoulement

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