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Un Psy dans la ville
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Le Féminin

Il semble qu’il y ait un mystère autour de ce que nous nommons « féminin ». Le féminin ne se résout pas à la féminité qui n’en serait que les attributs visibles. Il ne se résout pas non plus au sexe biologique, l’anatomie ne serait pas le destin …

Alors que recouvre ce terme : « féminin » ?

Le féminin n’est-il que le contraire du masculin ? ou sa complémentarité ? et surtout ne saurait-il se satisfaire que d’une définition empreinte de binarité ?

Depuis ses débuts, la psychanalyse a été pensée ainsi. Freud redécouvre dans les débuts du XX° siècle l’immanence de l’érotisme, il démontre et conclut que le développement psycho-affectif des enfants est de nature sexuelle et il utilise pour nommer cette nature sexuelle le terme de libido, (terme latin pouvant être traduit par besoin naturel, envie, appétence). Cependant, si Freud a l’intuition que la libido est de nature identique chez les filles et chez les garçons, il construit néanmoins sa théorie de la différenciation sexuelle sous la marque de la primauté du sexe masculin. « La petite fille remarque le grand pénis bien visible d’un frère ou d’un camarade de jeu, le reconnait tout de suite comme la réplique supérieure de son propre petit organe caché et dès lors elle est victime de l’envie du pénis »[1]. Et tout est dit : notre vie psychique s’organise autour de ce primat du sexe masculin. D’appendice visible dans la chair, il deviendra symbole de pouvoir, de puissance, pour les deux sexes.

Phallus est le terme que Freud utilise pour désigner ce qui est enviable, désirable, et donc ce qui est manquant. Comme la représentation choisie est un pénis érigé, symbole dans le culte antique de Dyonisie de la divinité qui préside à la germination et aux récoltes, le glissement sémantique de pénis à phallus est quasi inévitable et source de confusion.

Et si Freud s’était trompé, si la conséquence psychique de la différence anatomique entre les sexes n’était pas le modèle adéquat, et comme Freud le reconnait lui-même à la fin de sa vie, la féminité demeure une énigme ?

Cette interrogation concernant ce que nous pouvons nommer « le féminin » est angoissante car elle n’a pas de réponse qui vaille pour toutes et tous. Le féminin ne se transmet pas, il se recherche et, de ce fait, son élaboration ne pourra être que singulière, au risque de générer de l’angoisse. L’angoisse face à l’absence de réponse universelle peut conduire certains et certaines, à des excès. Elle peut également mener à une régression psychique et faire que demeurent les anciennes distinctions de l’enfance : je suis un garçon, j’ai le pouvoir et la force de mon côté et je peux en user (et en abuser) envers mes pairs et envers les femmes ; je suis une fille et je ne peux que rester dans une position passive d’objet du désir des garçons, en attendant le prince charmant, voire glisser dans un registre mélancolique.

Les avancées dans la compréhension du psychisme humain ne facilitent pas la vie. Car elles obligent à ne plus être dupes et mener vaillamment cette recherche singulière de ce qui est autre en moi et autre en l’autre. Seule cette réponse permet d’accéder à la radicalité de l’altérité.

De manière collective, nous en sommes loin, nous régressons tous ensemble vers un monde où la différence des sexes se conçoit comme une bagarre où le primat du phallus ordonne encore le monde.

Béatrice Dulck et Marie-pierre Sicard Devillard

Photographie : Sculpture de Kiki Smith intitulée « Pause » – exposée en janvier 2020 à La Monnaie de Paris.

[1] Freud – « De quelques conséquences psychiques de la différence anatomique entre les sexes » – In La Vie Sexuelle – PUF – 1969 – p.126

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