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Un Psy dans la ville
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Enfermement

L’enfermement physique auquel sont contraintes des femmes en Afghanistan, au Cameroun dans les tribus Peules, dans tant d’autres régions du monde nous émeut, nous femmes occidentales.

Cependant si le confinement le plus visible des femmes est social et culturel, il est aussi invisible, agissant malgré soi, dans un registre inconscient. On peut également parler d’enfermement psychique, pour toutes les femmes, de tous les continents : nous sommes toutes prisonnières de lois non dites mais inscrites dans nos âmes et nos chairs.

La domination masculine, le patriarcat, enracinés depuis des millénaires dans nos sociétés, ont forgé les représentations internes et les images mentales des femmes -et des hommes. Elles se sont inscrites dans le psychisme humain, en congruence avec le processus civilisateur. C’est la civilisation qui a forgé le psychisme, les affects, complexes, et autres symptômes associés. Les femmes psychanalystes que nous sommes, autrices de ce blog, sont particulièrement interpellées par ce constat. La psychanalyse est une invention d’homme(s), en concordance avec son siècle et son temps. Plus d’un siècle après, aux prises avec un XXI° siècle marqué par les prémisses de la troisième vague de féminisme, elle a le devoir de se réinventer.

Pour Freud, l’anatomie est le destin. Mais le destin c’est aussi la condition sociale et historique dans laquelle l’individu est inscrit. La restriction du destin des femmes à la maternité n’est pas seulement un fait d’anatomie, c’est un fait de civilisation. Cependant ce que la psychanalyse nous enseigne, c’est la capacité de l’humain à conquérir sa liberté. Pour les femmes, cette conquête passera par leurs corps : c’est lui qui est contraint, c’est lui qui se délivre. C’est aussi à travers leur corps qu’elles construisent leur rapport si singulier au monde.

S’interroger plus précisément, avec en particulier la philosophe Camille Froideveaux-Metterie*, sur la place qui est faite, et non faite, au corps des femmes dans l’espace social, ouvre d’autres perspectives.

La présence des femmes dans tous les lieux de la société est trop souvent appréhendée par le biais de leurs corps. N’entendait-on pas récemment, au sujet d’une femme politique engagée dans un processus de candidature à l’élection présidentielle, que ce n’était qu’une « ménopausée » ! Il n’y a qu’à des femmes que l’on s’adresse ainsi, en évoquant sans scrupule leur corps !

A l’époque du Deuxième Sexe, Simone de Beauvoir dénonçait l’enfermement des femmes dans un corps procréateur. Cette condition limitait le champ de leur vie, et les femmes, contrairement aux hommes, ne se voyant pas définir de possibilités autre que la procréation, ne pouvaient définir librement leur devenir. Par le seul fait de son sexe, d’être née fille, cette part de l’humanité s’est retrouvée assignée à la maternité. Et même si aujourd‘hui les femmes occidentales ne sont plus assignées à résidence, il est encore possible d’entendre la force de cette injonction sur nos divans, dans les mots de jeunes patientes : « c’est comme s’il n’y avait pas d’autre choix que de faire des enfants».

Les mouvements féministes des années 1970 ont revendiqué, et obtenu, l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, du moins en Occident. Ceux qui émergent dans le début de ce siècle devront considérer autrement la différence des sexes, dans la perspective de construire un modèle social dans lequel chacun.e aura sa place. Et ces combats-là ne pourront se mener sans un travail collectif entre hommes et femmes.

Béatrice Dulck et Marie-pierre Sicard Devillard

 

Camille Froideveaux-Metterie – Un Corps à Soi – Editions du Seuil – sept.2021

Le tableau qui illustre cet article est un autoportrait de Paula Modershon-Becker (1876-1907). Artiste peintre à une époque où la peinture féminine peinait à se faire reconnaitre, elle a laissé une oeuvre très originale comportant de nombreux portraits d’enfants, de mères et enfants, et de maternité. Elle est morte à 31 ans d’une embolie consécutive à un accouchement laborieux, accident qui n’aurait pas lieu aujourd’hui. Elle est restée méconnue en France jusqu’à la très belle exposition que lui a consacré le Musée d’Art Moderne de Paris en 2016.

corps, féminin, patriarcat

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