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Un Psy dans la ville
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Empathie

L’empathie est dans l’air du temps. Savoir être empathique, faire preuve d’empathie envers autrui : n’est-ce pas là un mot d’ordre de notre siècle ?

L’empathie est-elle autre chose que la sympathie, terme communément utilisé pour désigner la capacité de se mettre à la place de l’autre, de partager les mêmes émotions, les deux notions demeurant très proches ?

L’empathie n’est pas un sentiment mais une disposition sensorielle. C’est une perception qui peut faire éprouver la sensation d’être dans la même atmosphère, la même ambiance que le, ou les, autre(s). Le psychanalyste Ferenczi, disciple de Freud, avait introduit dès 1927 la notion de tact pour désigner cette capacité à « sentir avec ». L’empathie, comme le tact, sont une forme de perception sensorielle, une façon d’être à l’unisson de l’environnement, des circonstances, humaines et non humaines, du monde physique et vivant.

Nous sommes tous humains et sur ce mode commun il est naturel d’éprouver ensemble et en même temps des émotions similaires, des vibrations semblables Ce sont elles qui forgent les relations affectives, conviviales, amicales et amoureuses. Mais pour autant, vibrer à l’unisson n’est pas vibrer à l’identique.

L’injonction à développer l’empathie pour nous rapprocher des autres, les comprendre et les aimer, nous semble un leurre. En effet pourquoi vouloir lisser nos différences, nos antagonismes et nos antipathies ! L’autre est différent, seule l’époque laisse entendre que cette différence est suspecte. Quel risque encoure-t-on à se confronter à la différence, à l’étrangeté de l’autre, si ce n’est le risque d’une confrontation à sa propre étrangeté, à la part ambivalente de nous-même. C’est à cette confrontation que conduit une cure analytique, au long du processus de transfert sur la personne même de l’analyste, c’est la reconnaissance de l’étranger en l’autre et en nous-même qui est en jeu.

Les psychanalystes maintiennent l’irréductibilité du transfert qui a comme finalité de permettre à leurs patients une exploration des zones obscures de leur psychè. C’est par le transfert des mécanismes inconscients sur la personne de l’analyste ou pour être plus exact à la place occupée par l’analyste que ces mécanismes sont mis à jour. Les analystes sont peu à peu perçus comme des résistants ou encore comme dépassés, « has been ». Résistants à l’ordre édulcoré qu’impose une époque, dont pour autant la violence n’est pas exclue, loin s’en faut ! L’existence d’un inconscient conflictuel, soumis aux pulsions, non contrôlable, dérange. Cela ne veut pas dire que l’analyste est imperméable à l’empathie, cela veut dire qu’il ne doit pas laisser l’empathie lui faire oublier que c’est avec le transfert qu’il travaille et avec son propre inconscient. L’analyste peut avoir de la compassion pour son patient sans perdre de vue ce qui se joue sur un plan inconscient. Il peut témoigner, dans les circonstances les plus dures traversées par son patient, de son écoute et de sa présence. Mais il ne peut céder à une confusion des plans. Cela peut paraître scandaleux… Et pourtant !

Le monde n’est pas meilleur si on nie la barbarie, ou qu’on la dissimule sous couvert de bonnes pratiques, si l’on ne fait pas la place à l’ambivalence et à l’altérité.

Préconiser l’empathie ne fait pas disparaître la violence, sans doute est-ce même le contraire qui se produit car l’empathie, en niant l’altérité, fait le lit de l’imposture. Il devient urgent d’apprendre à nouveau à nous regarder et nous accepter tels que nous sommes, avec nos différences et nos ambivalences, même les plus noires, car les reconnaître ne veut en aucun cas dire les mettre en œuvre. Reconnaitre l’altérité en soi et en l’autre est le chemin apaisé de son acceptation.

Béatrice Dulck et Marie-pierre Sicard Devillard

empathie, haine

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