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Un Psy dans la ville
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Dialogues nécessaires

Le 23 septembre 1939, il y a juste 80 ans, Freud mourrait à Londres. Cet anniversaire a suscité articles et émissions dans un certain nombre de média, dont des journaux dans lesquels nous ne sommes pas habitués à lire des propos sur la psychanalyse, comme Les Échos ou La Vie. Que de tels média s’emparent eux aussi de l’anniversaire de la mort de Freud pour écrire sur la psychanalyse est en soi un petit « évènement ». Il signe que la psychanalyse, dont la rumeur de disparition va toujours croissant, est bien toujours vivante et sans doute, comme le souligne l’article de La Croix, fait-elle partie aujourd’hui de notre « inconscient » collectif.

L’existence de l’inconscient fait partie de notre savoir collectif, elle est même admise comme une évidence ; n’étant plus l’apanage d’un savoir réservé aux seuls psychanalystes, l’inconscient perd de sa nature d’inaccessibilité pour devenir un inconscient « conscient ».

La question qui se pose pour la psychanalyse aujourd’hui serait plutôt celle de son ouverture à d’autres domaines, de son articulation avec d’autres disciplines, de la réouverture d’un dialogue avec les champs d’étude contemporains. Un tel dialogue concerne davantage les psychanalystes eux-mêmes que leur discipline. Qu’ils prennent enfin place dans la cité, car ils ont des choses à dire qui peuvent permettre de penser le monde actuel.

Modestement, notre tentative dans ce blog est bien d’éprouver notre capacité à nous ouvrir à d’autres champs, en interrogeant la sociologie, la politique, l’anthropologie, la philosophie, les sciences de la nature, l‘économie…

Si la psychanalyse reste prisonnière de son héritage, si les psychanalystes restent enfermés dans leurs écoles en reconduisant la parole de leurs maîtres, alors le plus grand risque est la marginalisation. Nous devons continuer le travail commencé par Freud qui était, et demeure, un homme de son temps. Il a su par exemple délivrer les femmes du carcan moral et sociétal imposé à la fin de 19èmesiècle. Serons-nous, nous aussi, capables d’analyser aussi bien notre époque que les mécanismes inconscients des patients qui l’habitent ?

Pour cela, des dialogues sont nécessaires entre la psychanalyse et les sciences. Il en est un qui serait riche, celui de la psychanalyse et des neurosciences. Des deux côtés, peu nombreuses sont les voix qui s’y engagent mais ne nous privons pas d’écouter celles qui le font.

Freud ne craignait pas les avancées de la science, au contraire il se prévalait de la science et de sa méthode. Et si les avancées scientifiques actuelles, en particulier du côté des neurosciences, en venaient à bouleverser la vision empirique freudienne, les psychanalystes ne devraient pas le craindre. Au contraire, certaines découvertes devraient nourrir la passion pour la recherche des liens entre psyché et soma, et favoriser l’approche de la complexité humaine. Que l’inconscient freudien en arrive à être identifié, décrit par les neurosciences ne modifierait en rien le travail du psychanalyste. Car les fantasmes, affects, représentations, imagos qui le peuplent seront toujours agissants à leur manière.

Le neurobiologiste Pierre Magistretti, professeur à l’université de Lausanne (Suisse), cité dans l’article de La Croix, est l’un des rares scientifiques à tenter de confronter ses recherches aux découvertes de la psychanalyse. Selon lui, plusieurs pistes mériteraient d’être approfondies : « Premièrement, la plasticité synaptique, c’est-à-dire l’idée que le cerveau n’est pas un ordinateur figé une fois pour toutes et que l’expérience laisse des traces dans le réseau neuronal qui participent à la construction de la réalité intime consciente et inconsciente, laquelle peut être modifiée par d’autres expériences. Ensuite, la notion de pulsion. Enfin, l’existence d’une réalité interne inconsciente quidétermine pour une très large part l’action du sujet. »[1]

Les scientifiques ne peuvent tout expliquer de la nature émotionnelle de l’humain, ils ne savent pas soigner la schizophrénie, et ils le disent. Ils ne savent pas résoudre l’angoisse, qui est le propre de l’homme. Car l’angoisse est issue de la pulsion, cette force que Freud a nommée et dont il a découvert qu’il s’agissait d’une poussée constante, contrairement au fonctionnement cyclique des besoins physiologiques. Force qui nous pousse en avant et nous fait agir même en dehors de tout effort de volonté ou de décision.

La pulsion s’origine du corps, mais même si l’on en découvrait les mécanismes neuro-biologiques ou neuroscientifiques, cela ne soustrairait rien au génie de cette trouvaille, dont seule la psychanalyse sait dire quelque chose.

Béatrice Dulck et Marie-pierre Sicard Devillard

[1]« Ce que la psychanalyse a encore à nous dire » – La Croix – 14 septembre 2019

Freud, psychanalyse, pulsions

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