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Un Psy dans la ville
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Pulsion

L’essence de la vie est sensible, nos organismes vivants ont la faculté d’éprouver du plaisir et de la peine, de percevoir des sensations d’origines et de natures diverses, disposition sur laquelle les philosophes s’interrogent depuis des siècles. Mais si l’humain est vivant, tout ce qui est vivant n’est pas systématiquement humain. Quelque chose d’autre vient spécifier l’humain dans le règne du vivant, et ce quelque chose, selon la psychanalyse, pourrait être la pulsion.

Aucune loi scientifique, qu’elle soit biologique, physiologique, ou mathématique ne saura jamais rendre compte de l’intégralité de la vie humaine. A l’instar du cardinal Bellarmin qui, instruisant le procès de Galilée, admet l’héliocentrisme comme hypothèse et non comme vérité, la sagesse est de laisser place à l’immanence et au doute.

Expliquer la pulsion du point de vue de la science « dure » ne modifierait en rien la pertinence du modèle psychanalytique pour comprendre à la fois ce qu’elle est et comment elle agit, car la pulsion a trait à l’essence de l’humain, et aucune science dite dure ne peut prétendre déterminer ou modifier cette nature même de l’humain, à savoir un être qui a conscience de lui-même et qui est doté de la parole.

Mais entrons plus avant dans la description que la psychanalyse fait de la pulsion.

L’allemand Trieb, traduit en français par pulsion, ou en anglais par instinct, est le concept central de la psychanalyse. Choisir le terme pulsion et non instinct a l’avantage de distinguer l’humain de l’animal, de renvoyer à la spécificité du vivant pour l’humain qui le différencie du vivant pour l’animal.

Le mot allemand Trieb est fréquemment utilisé au XVIII° siècle dans la littérature et la philosophie pour désigner une inclination, un penchant humain. Freud l’emprunte à ce répertoire pour en faire le socle de sa métapsychologie, c’est-à-dire de sa psychologie de l’inconscient. Il conçoit la pulsion à la frontière du psychique et de l’organique, du corps et de l’esprit, ni tout à fait l’un, ni tout à fait l’autre.

Il faut comprendre la pulsion comme une poussée, dont la caractéristique est d’être constante. Cette poussée constante à laquelle sont soumis les humains les contraint à une activité psychique permanente, totalement inconsciente, qui les démarque des autres espèces du règne du vivant et les enserre dans un ordre symbolique. L’humain est doté de la parole, ce qui lui permet de se constituer comme sujet, c’est-à-dire de créer sa vie dans une singularité qui lui est tout à fait spécifique. L’animal, lui, reste inclus, sa vie durant, dans l’espèce à laquelle il appartient et ne vit que selon une seule temporalité, celle du présent. L’humain, de par sa liaison à l’ordre symbolique, se dégage de l’espèce, devient singulier, et s’inscrit dans une temporalité plus vaste que celle du seul instant présent.

En cela la pulsion n’est pas l’instinct, qui est peut-être ce que nous avons en commun avec l’animal. La pulsion articule le signifiant et le corps, elle est au-delà de l’organique, elle est au-delà du symbolique, elle est prise dans cet entre-deux du corps humain habité par le langage.

Le nourrisson humain se distingue des autres espèces vivantes par le bain de langage dans lequel il évolue. C’est parce que, à sa naissance, le foetus rencontre un autre humain, qui lui parle, qui parle avec d’autres humains, qui a accès à l’ordre symbolique du langage, que le nouveau-né peut devenir à son tour un humain.

Sous l’effet de la pulsion constante et contrainte, le petit d’homme acceptera la reconnaissance par l’autre primordial (celui qui est en position de lui assurer sa survie pendant la période de dépendance absolue). L’appel de l’autre lui permet de se reconnaître, de se constituer en tant qu’être à part, séparé, en même temps qu’il lui donne accès au langage. L’interaction de sa propre énergie vitale avec celle des personnes qui l’accueillent aux premiers temps de sa vie, lui permet l’accès à la vie psychique et pulsionnelle, vie de désir et de création.

Les scientifiques pourraient bien trouver le « siège » organique de la pulsion que cela ne pourrait réduire la question de l’intrication de la pulsion entre signifiant et corps. Ils ne pourraient découvrir qu’une éventuelle origine biologique des instincts, laquelle pourrait être identique pour tous les mammifères… Seul l’être humain resterait en mesure de se détacher de son espèce pour s’inventer un destin singulier.

Béatrice Dulck et Marie-pierre Sicard Devillard

corps, psychanalyse, pulsions, sujet

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