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Un Psy dans la ville
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Ondes gravitationnelles

Pour la deuxième fois, un confinement nous est imposé, mais il s’avère différent du premier : en effet, une plus grande part de l’activité est maintenue, en particulier la notre, nos cabinets de psychanalystes, de psychothérapeutes, peuvent toujours recevoir, les lieux d’accueil, les structures médico-sociales restent ouvertes. Pourrions nous en penser que la nécessité que demeurent accessibles ces espaces de parole, d’écoute, et de liberté ait été entendue, que la place pour la vie psychique ait été considérée dans sa juste dimension ? peut-être, ou peut-être pas. L’essentiel est que les cures puissent se poursuivre, que les démarches juste entreprises ne soient pas coupées dans leur premier élan, et que de nouvelles demandes puissent être entendues.

Nous ne pouvons pas vivre sans lien avec les autres. Notre existence d’humain se construit au travers du lien à l’autre, et cela dès notre naissance. Nous avons besoin de voir l’autre dans les yeux (et non au travers d’une caméra), de pouvoir le toucher même de loin. Notre corps tout entier est tendu vers l’autre. Notre appréhension de l’autre passe par cette proximité corporelle, son odeur même fine, sa chaleur même distanciée, le bruissement des vêtements sur le corps, les bruits corporels internes même discrets , tout cela nous renseigne sur la présence réelle de l’autre.

L’expérience du premier confinement et des téléconsultations nous a permis de ne pas perdre le lien dans un moment de sidération. Grace aux conditions technologiques du 21ème siècle un lien virtuel a pu être maintenu dans beaucoup de cas, mais nous en savions les limites.  Le second confinement nous confirme l’incontournable nécessité de la rencontre dans un « corps à corps » bénéfique. Les téléconsultations ne peuvent être un outil de remplacement du lien thérapeutique dans la chaleur d’un cabinet. Si le silence est possible au téléphone ou en vidéo, il n’aura jamais la densité physique d’un silence éprouvé lors du partage du même espace. Les pulsions qui s’originent du corps ont une densité physique telles les ondes gravitationnelles qui transforment imperceptiblement l’espace qu’elles traversent. Les consultations à distance ne nous permettent pas de ressentir ces « ondes » pulsionnelles qui nous renseignent au-delà des mots.

C’est dans le partage physique de cet espace habité par les corps de chacun, espace de sensorialité, que se mobilise la pensée et qu’un mouvement psychique peut avoir lieu. Mouvement nécessaire au changement, à la sortie de crise, à l’amélioration du rapport que chacun entretient avec son environnement. C’est aussi dans cette possibilité individuelle, toujours donnée au citoyen, que se niche la construction de mouvements collectifs qui structurent et entretiennent la vie en société.

Vivre dans un isolement forcé et contraint, si l’on n’est pas en capacité de mobiliser de façon autonome sa pensée et ses choix, génère des non-mouvements, des « gestes » qui font barrière à la vie elle-même. Ce second confinement suscite indéniablement une résistance, résistance salutaire qui envisage l’échappatoire, comme la marque de la pulsion de vie qui ne veut pas renoncer à ce vers quoi elle tend : l’auto-conservation certes mais surtout de garder intacte la capacité à aimer la vie. Ces deux mouvements passent par le lien aux autres. On ne peut survivre sans lui.

Béatrice Dulck et Marie-pierre Sicard Devillard

 

L’illustration de cet article est empruntée à la page Facebook de « Improbables librairies, improbables bibliothèques » – Auteur inconnu.

 

corps, pulsions

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