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Un Psy dans la ville
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« Faire avec »

Un évènement traumatique, quel que soit le moment de la vie où il se produit s’inscrit comme marque indélébile dans le corps et le psychisme de celui qu’il atteint. Même oublié, même lorsque le souvenir n’est pas présent à la conscience de l’intéressé, sa trace demeure malgré tout, l’événement traumatique continue d’agir dans le silence, et comme dans un éternel présent.

Fleurs – ©MPSD

Ainsi, comme nous l’écrivions dans notre précédent article, le temps psychique n’a que faire de la prescription : l’effacement du délit est impossible, ce qui a été vécu ne peut être annulé.

La trace du traumatisme peut faire de nous une victime à vie, position insupportable du point de vue de la vitalité. Rester cantonné dans ce statut comporte le risque de rester dans une position amoindrie et de ne pouvoir déployer toute l’énergie nécessaire à la vie. Car l’énergie va rester focalisée sur une volonté de maintenir dans l’oubli, d’éviter la réminiscence de la douleur vécue lors de l’événement en question. La reconnaissance de la victimité d’un préjudice, malgré ses indéniables effets réparateurs et consolateurs, n’abolira jamais la trace du vécu traumatique.

Que faire de cette mémoire insoupçonnée, lorsque les réparations sociales restent sans effet ? Que faire de ce dont on ne peut pas se débarrasser comme d’une vieille paire de chaussures que l’on balancerait à la décharge ?

Il va falloir faire avec. Faire autre chose de cet embrouillamini causé par le traumatisme, débrouiller ce qui brouille la perception et la pensée. S’en débrouiller, comme on a pu l’entendre dire par quelques personnalités des arts et spectacles à l’automne dernier. (*)

La psychanalyse possède un concept qui dit quelque chose de ce « se débrouiller » : la perlaboration.

Il s’agit d’un mouvement de pensée par lequel le psychisme intègre le traumatisme, comme par une sorte de ragréage, il le laisse s’infiltrer dans l’esprit et le corps de la personne jusqu’à en devenir partie prenante, d’une manière quasi corporelle.
Bien sûr il en restera toujours une trace, un résidu incombustible, et il est toujours possible de se dire que cela aurait été mieux si… Certes, cela aurait été différent, mais cela est ainsi car l’événement a eu lieu et que l’événement eut lieu, on ne peut rien y faire dans l’après-coup.

Faire une psychanalyse c’est aussi se débrouiller, c’est faire avec ce qui est et supporter le malheur ordinaire ou extraordinaire. C’est pouvoir faire en sorte qu’un jour l’émotion n’envahisse plus tout l’espace du présent, c’est mettre la douleur en mots et faire que la parole redevienne possible. Pour parvenir à cet endroit le temps est long, c’est une durée dont personne ne décide à l’avance, ce temps psychique qui n’est pas le temps social, ni le temps chronologique.

Faire soi-même quelque chose de ce « cadeau empoisonné » dont on se serait bien passé mais qui peut faire de nous des êtres vivants à part entière, et nous ouvrir les portes d’une autre invention de nos vies que celles que nous aurions empruntées si…

Marie-pierre Sicard Devillard

« On se débrouille dans l’épreuve » – Juliette Binoche – interview au journal Le Monde le 22 octobre 2017
« On s’en débrouille » – Christine Angot – émission «On n’est pas couché » le 30 septembre 2017

psychanalyse, traumatisme

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